Comprendre le soutien du Golfe à l’intervention contre l’Etat islamique
Plus encore que le soutien français à l’action américaine en Irak et en Syrie, c’est l’appui venu des pays du Golfe Persique qui constitue une véritable surprise. D’ordinaire plus discrets (ou préférant l’appui officieux principalement financier), les Etats du Golfe ont, pour certains, changé leur opinion vis-à-vis des mouvements islamistes les plus extrémistes.
L’action du Golfe part d’un principe : la propagation de l’emprise de l’EI est telle qu’elle pourrait menacer, à terme, l’intégrité même de certains Etats persiques, si rien n’est fait. Autant certains d’entre eux ne se sont pas privés de financer Al-Qaïda, autant il semble que tous perçoivent l’EI comme une menace, l’EI étant déterminé à propager la charia y compris dans des pays à forte empreinte musulmane.
De plus, en intervenant, certains Emirats complètent leur panoplie de puissance régionale. En effet, le soft power provenant du Qatar ou des Emirats Arabes Unis n’est plus une découverte. Mais leur hard power, quant à lui, était encore bien inconnu. Certes, le Qatar a beaucoup à se faire pardonner, ayant ardemment financé une opposition aisément vaincue par l’EI, qui ne s’est pas privé de récupérer un important arsenal militaire. L’implication semble-t-il vérifiée des EAU dans la lutte contre les islamistes en Libye, via des attaques aériennes, participe également de cet état de fait. On peut donc imaginer que le soutien actif de ces petits Etats sert un plus grand dessein géopolitique : celui de ne pas être qu’un Emirat pourvoyeur d’hydrocarbures.
Enfin, pour l’Arabie Saoudite, partenaire historique des joutes américaines dans la région, les bombardements de son aviation ont toujours pour objectif de laver les soupçons pesant sur le Royaume. En effet, les Saoudiens composent semble-t-il la majeure partie des combattants de l’EI, comme cela était le cas pour Al-Qaïda une décennie auparavant. Charge donc pour le roi Al-Saoud de montrer que son pays est bien un appui indispensable dans la région pour lutter contre les extrémismes religieux.
Une tactique de suivisme plutôt qu’une stratégie durable
La question qui se pose néanmoins est la suivante : s’agit-il d’un suivisme persique ou au contraire d’un changement durable dans la diplomatie régionale ? La première hypothèse est à privilégier pour le moment, tant les pays du Golfe avaient paru récalcitrants à initier une guerre anti-Assad au moment des rumeurs d’attaques chimiques, à l’été 2013. La tactique dans le Golfe est d’éviter de se voir reprocher de faire les mêmes erreurs que les Occidentaux répètent depuis des décennies, à savoir provoquer des changements de régime ou combattre des mouvements terroristes sans véritablement pacifier la région. Les masses locales ne supporteraient pas en effet une telle attitude.
Finalement, ces attaques contre l’EI, si elles se répètent, semblent rassembler des royaumes et Emirats historiquement méfiants les uns par rapport aux autres. Il semble néanmoins un peu tôt pour dire que les Etats du Golfe parviennent à régler leurs propres problèmes eux-mêmes. En même temps, qui pourrait se targuer de cela aujourd’hui ?